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"les deux œufs" Youenn Gwernig

revue ar vro
Youenn Gwernig

10 août 1944. Ce jour là, Jeanette Laz et Marie-Jeanne Noac'h ainsi qu'Yvon Toulgoat un résistant FTP sont fusillés après avoir été faussement accusés d'être à l’origine de l’attaque des Allemands à Kernabat et sommairement jugés par une cour martiale autoproclamée.

Youenn Gwernig écrira "les deux œufs" en leur mémoire. 

Poème publié en 1966 dans la revue Ar vro 

Deux œufs soulevés par des vagues de gens

Q'un vent de haine a rendus fous.

Les petits crabes et les grands crabes

Qui se hissent, hideux, hors de leur vase.

Le supérieur, sorti d'un long sommeil,

En grande tenue de pressureur des siens

Poussait et sacrait et jouait des pinces

Pour être au premier rang.

Les deux filles

- l'une était enceinte -

S'accrochaient à la crinière des chevaux

Pour ne pas tomber.

L'une voulut cacher ses cuisses,

Faillit tomber,

Fit rire tout le monde.

Longs Cheveux, doux cheveux, cheveux bruns

Signe pur et beau de beauté,

Tondus, jetés dans le crottin :

Signe pur et beau de l'honneur des femmes

Longs Cheveux, doux cheveux, cheveux bruns

Répandus sur la place comme du fumier aux champs.

Les deux filles

- l'une riait sans plus comprendre -

Droites sur leurs chevaux

Descendant la grand'rue.

Fille publique : c'était devenu vrai.

On les avait jetées en patûre aux cochons, aux gens, et aux enfants.

L'un des deux œufs percé.

L'autre, brisé, en mille morceaux.

La vie s'y accrochait trop dur.

- l'une était enceinte -

Deux œufs lancés à la fosse

Dans la carrière

Avec des yeux peints commes des œufs de pâques

Deux œufs à la pourriture

Deux œufs : c'est tout.

Et vous les crabes, vous avez retrouvé votre vase ?

Et vous les cochons, vous n'en voulez plus ?

Les filles que vous avez endormies pour toujours

Vous les avez lavées, lessivées et blanchies.

Mais aujourd'hui.

Aujourd'hui que votre mitraillette s'est tue

Dormez-vous ?

Quand j'y pense,

Il n'y a peut-être que deux peut-être à pouvoir dormir tranquilles

Il n'y a que deux qui ne soient pas coupables,

Ces deux là descendaient la grand'rue :

les deux chevaux.

Youenn Gwernig

 traduction : Meavenn > ​ 

stèle Scaër

Exécutées par qui ? 

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