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Opération "EICHE"

Le 15 septembre 1943, sous l’œil d’une caméra, Benito Mussolini, l’ancien maître de l’Italie, apparaît le visage crispé.

A ses côtés, des parachutistes du 7e régiment des Fallschirmjäger et des soldats de l’unité spéciale des commandos de la Waffen-SS Friedenthal le conduisent d’une main ferme vers un avion de liaison de type Fieseler Fi 156 Storch. Direction Rastenburg, en Prusse-Orientale, où l’attend Adolf Hitler, dans son quartier général.

Désormais, le Duce ne sera plus qu’une marionnette aux mains du Führer.

Libéré par un commando nazi, Mussolini est sommé de monter dans un avion Storch pour quitter au plus vite l’Italie. Il rejoindra, en Allemagne, son "sauveur" : Hitler.

Chute du fascisme et arrestation de Mussolini

Rembobinons le film de cet époustouflant épisode : la libération de Mussolini par un commando nazi.

Le 10 juillet 1943, les Alliés débarquent en Sicile, entraînant la chute de la dictature fasciste. Quinze jours plus tard, le Duce est arrêté à Rome et emmené vers un lieu secret. Alors que les Italiens entament en sous-main des négociations d’armistice, Hitler, qui a encore besoin de son allié méditerranéen, décide de faire libérer celui qu’il appelle "son seul ami".

Cette tâche à haut risque est confiée à un colosse polyglotte et balafré : le capitaine SS Otto Skorzeny. Un extraordinaire jeu du chat de la souris débute alors entre les autorités italiennes et le IIIe Reich.

Du 28 juillet au 7 août, le Duce est expédié sur l’île de Ponza, au sud de Rome, avant d’être transféré dans la forteresse maritime de la Maddalena, au nord-est de la Sardaigne. Selon l’historien Maurizio Serra, il se récrie avec hauteur : «Pourrait-on imaginer que je souhaite me rendre en Allemagne pour reprendre la tête du gouvernement avec l’appui des Allemands ? Ce serait la pire des humiliations !» (Le Mystère Mussolini, éd. Perrin, 2021). C’est pourtant ce que le destin lui réservera.

Le rôle clé du capitaine Skorzeny >

Le 18 août, alors que le prisonnier le plus encombrant d’Italie est plongé dans la lecture des œuvres complètes de Nietzsche offerts par le Führer, le capitaine Skorzeny effectue un vol de reconnaissance au-dessus de la Sardaigne. Pris en chasse par deux avions britanniques, son appareil s’écrase en mer, mais le colosse en sort indemne. Le 28 août, déguisé en simple matelot, il remet le pied sur l’île de la Maddalena pour apprendre que le Duce vient de s’envoler en hydravion vers une destination inconnue. Il faut se rendre à l’évidence : le nouveau gouvernement italien tente de faire perdre sa trace.

Il est temps pour lui d’agir. Le 8 septembre, un message crypté intercepté par les services secrets nazis a permis de le localiser à l’hôtel Campo Imperatore, perché à 2 000 mètres d’altitude dans le massif du Gran Sasso des Abruzzes. L’unique moyen d’accès de ce nid d’aigle est un téléphérique reliant le plateau au hameau d’Assergi, situé dans la vallée. Lors d’une reconnaissance aérienne, Skorzeny repère derrière l’hôtel un petit pré triangulaire propice à un atterrissage. Le parachutage, jugé trop risqué, est abandonné au profit des planeurs d’assaut DFS-230.

Dans la nuit du 11 au 12 septembre, redoutant de tomber aux mains des Alliés et craignant peut-être tout autant d’être secouru par ses «amis» nazis, Mussolini tente de s’ouvrir les veines. Peine perdue : le processus d’exfiltration du Duce, baptisé opération Eiche ("Chêne"), est déjà enclenché. Une quarantaine d’hommes sont mobilisés pour l’occasion. La majorité d’entre eux appartient au corps des Fallschirmjäger, ces parachutistes d’élite surnommés les «diables verts» par les ­Alliés. Le premier détachement se voit charger de sécuriser les alentours du Gran Sasso, le second a pour mission de libérer Mussolini. Détail important, pour amadouer les gardiens, Skorzeny embarque dans l’aventure un officier italien de haut rang, le général de brigade Fernando Soleti. Ce dernier est-il vraiment conscient du rôle qu’il devra jouer ?

12 septembre 1943 : début de l’opération « Eiche »

Le 12 septembre à 13 heures, l’opération commence. Un premier commando se rend maître de la station du téléphérique d’Assergi, tuant au passage deux carabiniers qui ont tenté de s’interposer. Au même moment, dix planeurs décollent de Pratica di Mare, l’aérodrome militaire situé au sud de Rome. Direction l’hôtel Campo Imperatore.

En fin communicant, Skorzeny a pris soin d’installer à ses côtés un photographe muni d’une caméra et un correspondant de guerre. A 14 h05, son planeur DFS-230 est le premier à toucher le sol. Non sans encombre. Surpris par l’exiguïté de la zone d’atterrissage, le pilote a foncé sur l’hôtel et s’est arrêté à seulement 40 mètres du bâtiment. Les passagers sont sonnés et l’engin volant est en morceaux. Mussolini est en outre en bien fâcheuse posture. L’un de ses gardes, le lieutenant Alberto Faiola, le tient en respect devant la ­fenêtre du deuxième étage, bien décidé à ne pas le livrer aux Allemands. "Ne faites rien ! Ne bougez pas !" exhorte le captif. A l’extérieur de l’hôtel, le général Fernando Soleti, enjoint lui aussi les carabiniers à baisser les armes. Médusés, ces derniers obtempèrent. Skorzeny monte quatre à quatre les escaliers et se précipite sur un Mussolini atterré : «Duce, c’est le Führer qui m’envoie. Vous êtes libre !» lui dit-il. Il est 14h17. La première phase de la mission est achevée.

Et Hitler sauva le Duce

Reste à se sortir de cet endroit où il n’existe aucune piste d’envol. Un appareil léger de type Storch, spécialement conçu pour atterrir et s’envoler sur des terrains accidentés, est affrété. Son pilote s’apprête à embarquer avec l’ancien dictateur quand Skorzeny, toujours en quête de gloire, exige lui aussi de monter à bord. Problème, l’officier SS, qui fait presque 2 mètres, pèse lourd. Mais Skorzeny, en fin stratège, veut embarquer avec le Duce pour être vu comme son «libérateur». Le pilote obéit à contrecœur. Mussolini est poussé sur le siège du passager, derrière lequel le géant Skorzeny prend place. Il est 15h15.

L’appareil décolle avant de heurter un rocher. S’arrachant du sol, il bascule dans le vide avant de se redresser in extremis. Après une heure de vol en rase-mottes, il atteint Pratica di Mare à 16h15. Rarement 60 minutes ont paru aussi longues et rarement libération a été moins profitable à son bénéficiaire.

Onze jours à peine après l’opération Eiche, Mussolini, usé et résigné, instaurera, sous la pression du Reich, l’état fantoche de la république de Salò, au nord de l’Italie. Le dernier acte d’un dictateur pour qui allait bientôt sonner le glas. Et Skorzeny ? Il obtiendra ce qu’il voulait : la gloire. Il fut décoré, par Hitler lui-même, de la croix de fer pour la réussite de l’opération.

 

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➤ Article paru dans le magazine GEO Histoire

de décembre 2021-janvier 2022 sur les années Mussolini (n°60).

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